
La mine urbaine des D3E :
des pépites à extraire
Les métaux issus des déchets d’équipements électriques et électroniques (D3E) constituent un nouveau gisement de matières premières, une « mine urbaine » dont l’exploitation permettrait d’économiser des ressources. Au sein du PEPR, l’objectif du projet ReviWEEE de l’axe D3E est de mieux comprendre ces gisements potentiels et de développer des procédés permettant de maximiser leur valorisation, notamment via une meilleure caractérisation.
Par Solène Touze (BRGM) et Jean-Christophe P. Gabriel (CEA), pilotes de l’axe D3E
Dans le domaine du recyclage, les lots à caractériser ont des masses conséquentes. Il est par exemple impossible de caractériser et analyser la totalité d’un lot de 5 tonnes de cartes-mères, car on introduit dans un outil d’analyse que quelques grammes. C’est la méthodologie d’échantillonnage, le passage de la tonne au gramme qui est primordial et complexe. Quand il est bien fait, l’échantillon d’analyse est « presque » représentatif du lot initial, avec malgré tout une marge d’erreur.
La préparation de cet échantillon est compliquée pour les déchets électroniques car ils ont des compositions très hétérogènes. Les teneurs en métaux entre différents D3E peuvent beaucoup varier, et cette différence peut également être importante sur un même déchet. C’est par exemple le cas des teneurs en or et palladium d’un ordinateur des années 80 comparé à aujourd’hui. De plus, les métaux peuvent prendre beaucoup de formes dans le déchet ; le cuivre peut être sous forme de fils dans des bobines, d’alliages cuivre-étain ou inclus dans un composant électronique. Idem pour l’or qui peut être sous forme de fils ou de surcouches sur des broches de connexion.

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Le projet de phase I de l’axe D3E « ReviWEEE » vise à développer une méthodologie d’échantillonnage efficace et à estimer les incertitudes associées, des teneurs en métaux des cartes électroniques issues des D3E. Les travaux se concentrent sur ce type de déchets, car c’est un exemple typique de déchet complexe qui concentre une large palette de métaux. Par ailleurs, la filière de recyclage existante ne ciblant que quelques métaux (principalement le cuivre et les métaux précieux), il existe un enjeu important sur la récupération des métaux critiques actuellement non-valorisés.

Prenons l’exemple d’une carte-mère d’ordinateur, chacun des composants peut être vu comme une pépite de quelques métaux, mais ce mix de métaux diffère d’un composant à l’autre. Cette variabilité spatiale, appelé « effet pépite » explique la difficulté de l’échantillonnage, mais elle peut aussi être un avantage si l’on est capable de les trier selon leurs compositions respectives,. On aboutit ainsi à des sacs de tris simplifiés en composition et surtout enrichis en métaux constitutifs de chaque type de composants. Rendre possible ce tri élémentaire des composants individuels est l’objectif d’une des autres taches du projet ReviWEEE.

Les broches et contacts des composants sont généralement riches en cuivre, ou un de ses alliages, protégés de la corrosion par un plaquage en étain, nickel, argent, palladium ou or. De ce fait, les composants électroniques contiennent quasi-systématiquement du cuivre et des traces de l’un de ces métaux
Les connecteurs sont principalement formés de broches (voir ci-dessus) et peuvent aussi être riches en résines plastiques spécialisées et formulées notamment pour leur stabilité à hautes températures (les procédés de fabrication des circuits imprimés les exposent à plus de 200°C pendant plusieurs dizaines de secondes voire minutes). Ils sont ainsi chargés d’additifs, notamment retardateurs de flammes à base d’antimoine ou de brome.


Les condensateurs électrolytiques en aluminium cylindriques sont riches en aluminium et son oxyde avec éventuellement la possibilité de présence de bore ou de manganèse.
Les condensateurs céramiques: peuvent avoir des chimies très variées mais des aspects quasi-identiques ce qui rend leur séparation particulièrement difficile. Selon les cas on peut y trouver des métaux critiques comme le palladium, niobium, le tantale, le molybdène ou des terres rares (comme le néodyme), mélangés avec du zinc, du titane et/ou du barium.


La composition des résistances est extrêmement variable selon leur spécifications, âge, type et fabricant, pour des aspects extérieurs identiques au sein d’un même type. Le cuivre y est quasiment toujours présent, mais on peut y trouver aussi du nickel, chrome, tantale, molybdène, ruthénium, silicium, aluminium, manganèse, gallium ou de l’argent.
Au niveau du CPU (unité centrale de calcul), la puce elle-même contient principalement du silicium avec des traces de nombreux autres éléments (cuivre, tungstène). Ce sont souvent les composants les plus recherchés car la connectique est souvent à base d’or, d’argent et/ou de palladium. L’argent est utilisé dans la formulation de la colle conductrice connectant la base de la puce au boitier. L’or est utilisé comme plaquage ou sous forme de fils micrométriques connectant la puce au boitier.

Enfin pour la soudure, plus de 200 compositions différentes sont répertoriées formées d’alliages pouvant contenir des métaux toxiques comme plomb et cadmium, maintenant bannis, mais aussi étain, bismuth, argent, indium, zinc, cuivre, nickel, chrome, aluminium, silicium voire même plus rarement de l’or.
Pourquoi bien maitriser son échantillonnage ?
La première étape, incontournable pour une valorisation efficace des métaux, est d’acquérir du savoir sur la composition de ces déchets. Il faut, entre autre, savoir quantifier les métaux contenus dans le déchet. Cela concerne aussi bien les métaux présents à une concentration supérieure au pourcent que ceux présents à une concentration de l’ordre du mg/kg.
Cette connaissance est essentielle pour toute la chaine du recyclage, elle permet d’estimer la valeur marchande du déchet, de quantifier les flux de métaux à l’échelle locale ou nationale, de quantifier les pertes de métaux dans les chaînes de recyclage, d’explorer de nouveaux procédés et marchés, d’adapter les procédés de recyclage à l’évolution des déchets et enfin, de traquer les métaux potentiellement polluants.

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