Rencontre avec la coordinatrice
de l’axe numérique

Pascale Marangé est une spécialiste de la modélisation selon différents points de vue et de l’ingénierie des systèmes complexes. Depuis quelques années, la chercheuse au Centre de recherche en automatique de Nancy (CRAN) se focalise sur les systèmes de régénération dans le cadre de l’économie circulaire. Coordinatrice scientifique du nouvel axe Numérique du PEPR, sa formation lui offre le bagage parfait pour dégager une vision systémique de la filière du recyclage.

Par Etienne Morisseau, chargé de communication du PEPR Recyclage

« La régénération correspond à tous les processus qui permettent de prolonger la durée de vie d’un produit, d’un composant ou d’une matière », explique Pascale Marangé, maître de conférences à l’Université de Lorraine.
« Cela nécessite une vision holistique d’un système, afin de prendre les bonnes décisions. Par exemple, le recyclage fait partie de ce processus, mais n’est pas seul. Il arrive au bout d’une chaîne qui comprend la réintégration des sous-ensembles d’un produit, le re-manufacturing ou la resynthèse par exemple. C’est pourquoi la structure du PEPR, déclinée en axes « matériau » et « filière » m’a paru particulièrement adaptée à ce type de vision. »

Dès la réception de l’appel à manifestation d’intérêt du PEPR pour constitution d’un nouvel axe transverse dédié au numérique, Pascale Marangé a contacté les pilotes des axes préexistants pour évaluer leurs besoins par rapport à l’ajout du numérique dans ces filières. « Les problématiques sont quasiment toujours les mêmes », explique la chercheuse. « Comment suivre les flux de matières et identifier leur composition, pour appliquer ensuite le procédé de recyclage adapté en fonction de la quantité et de la qualité des déchets. » Mais cela nécessite également de prendre en compte les différences pour chaque filière ; par exemple la collecte des plastiques passe notamment par les consommateurs, là où la récupération des batteries est plus industrialisée.

« Si on arrivait à avoir une vue d’ensemble de ce système, cela permettrait d’accompagner la prise de décision et d’améliorer les processus », poursuit-elle. « Il faudrait réussir à faire collaborer les acteurs au sein d’une filière (du recyclage en tant que tel, mais aussi de la logistique, la collecte, le suivi…), ainsi que les filières entre elles. »

Nous devrons absolument estimer l’impact des coûts économiques et environnementaux des solutions numériques proposées.

Pour Pascale Marangé, l’axe Numérique doit avoir une vision à plusieurs niveaux : nano (matière), micro (produits, entreprises, acteurs) et macro (stratégies, territoire), car les trois se nourrissent mutuellement. Dans un premier temps, il s’agira de comprendre les problématiques de chaque filière de recyclage pour identifier leurs points communs et leurs différences. Partir d’un cas pratique pour décliner ensuite les solutions sur les autres axes. Puis, il faudra concevoir la chaîne de valeur et la méthode de choix des acteurs pour créer une filière robuste et adaptable, avec par exemple l’utilisation de jumeaux numériques pour suivre les données utilisateurs, prédire l’utilisation des produits et leur état d’arrivée, ou encore l’utilisation de traitement d’images pour avoir une connaissance minutieuse de l’état de santé de la matière. Enfin, la dernière étape sera le pilotage de ces chaînes de valeurs, via des outils de tri des matériaux et d’aide à la décision par intelligence artificielle.

Pour la future pilote du nouvel axe transverse, deux éléments sont également essentiels dans la réalisation de ce programme : « D’une part, nos travaux devront impliquer un échange mutuel. Servir aux autres axes tout en dégageant des problématiques pertinentes pour les sciences du numérique. Par exemple, le fait de se baser sur des données incertaines, incomplètes et hétérogènes relèvent d’un véritable défi scientifique. D’autre part, nous devrons absolument estimer l’impact des coûts économiques et environnementaux des solutions numériques proposées, en comparaison de l’absence de ces solutions. Les jumeaux numériques sont une solution tentante par exemple, mais si le stockage des informations provoque une pollution trop importante, ce n’est peut-être pas la solution adaptée. L’axe numérique devra regrouper une multitude de compétences et donc une diversité de laboratoires français pour répondre à ces questions. C’est vraiment quelque chose qui me tient à cœur », conclut-elle.


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